Il est urgent de retrouver le chemin des salles de spectacle.

Nov 23, 2021
Arnaud Kientz
Bonjour,
Voici la dernière publication de la page opéra de la revue Sant’Evasion numéro 560.
Cet article met l’accent sur l’urgence du public à retrouver la joie de viber à la musique en direct. Les salles de spectacle semblent encore boudées par le public à l’heure actuelle.
Article paru à la rentrée de septembre, il semble malheureusement toujours d’actualité avec des exceptions heureusement comme lors du concert Argerich/Papavrami à la salle Gaveau le 17 novembre où toutes les places étaient occupées. Mais au même endroit, le concert Tézier/Berthon du 23 novembre propose des places dans toutes les catégories.
Il en est de même pour des concerts très prestigieux à la Philharmonie au mois de décembre.
Espérons que les fêtes redonnent le goût au public d’entendre de la musique par les plus grands artistes du moment en direct.


Il est urgent de retrouver le chemin des salles de spectacle.

Les habitudes changent vite. Durant l’année 2020, il a été formidable d’assister à la mise en ligne de retransmissions de soirées mythiques de la part de beaucoup de théâtres, salles de concert et autres philharmonies. C’était une magnifique initiative permettant de conserver le lien avec le public et que ce public puisse continuer d’avoir accès au spectacle vivant par ce biais. De même pour les musées ou sites archéologiques proposant des visites virtuelles. Exceptionnel moyen d’évasion alors que le monde était retenu entre quatre murs.
Néanmoins, le virtuel a ses limites. Il suffit de voir les réseaux sociaux pour s’en rendre compte : l’écrit ne remplacera jamais l’expression orale accompagnée de l’intonation de la voix et des gestes. Ces informations qui changent tout le rapport entre les humains permettent de ne pas interpréter à l’envers ce qui a été dit. De même le spectacle chez soi interdit l’échange au sein du public et le temps suspendu d’un moment en communion. Il coupe ce rapport mystérieux, magique, unique et fragile qui existe entre la scène et la salle. Ce rapport énergétique qui permet à l’artiste de se dépasser, de se sublimer, d’être porté. 

L’artiste a besoin du direct. Faire de la musique est une action de groupe. Même l’intimité  du récital voix-piano est un travail à plusieurs : le chanteur n’est rien sans le pianiste qui est là pour le soutenir, l’accompagner, le porter pour faire de la musique et servir les textes des mélodies. Textes qu’ils ont choisi ensemble d’interpréter. 

Malgré toute la ferveur dont il faisait preuve, que pouvait faire le public de ces salles vides aux 3/4 lors des reprises en mai dernier ? Les débuts parisiens d’artistes de renommée internationale comme Bruno de Sá ou bien Asmik Grigorian, dans le cadre de la programmation de l’Instant Lyrique, se sont faits à huis clos. La réduction du public était effective, certes, mais malgré cela, toutes les places étaient pas vendues.
Le retour de Placido Domingo dans la même salle ne s’est pas fait au complet des places disponibles. Cela n’a pas empêché le triomphe d’être au rendez-vous tant la qualité et le rayonnement de ce chanteur mythique étaient intacts.
L’Opéra de Paris a repris sa programmation pour quelques semaines, la terminant avec La Clémence de Titus de Mozart. Les artistes lors des premières représentations se trouvaient face à un parterre avec une centaine de places de vides. Une institution aussi durement touchée que celle de l’Opéra de Paris a besoin du retour de son public.
Il en est de même pour les festivals. Les grandes institutions comme Aix en Provence ou les Chorégies d’Orange ont survécu et c’est heureux mais qu’en est-il des petits permettant aux régions d’avoir accès à une culture de qualité ? Ils ont besoin de leur public. Sans ce soutien financier, les éditions suivantes ne peuvent avoir lieu. Certains festivals ont annulé leur programmation après une première trop précaire en matière de fréquentation. Les annonces gouvernementales, dès le début du mois de juillet, en ont marqué le glas distillant la peur de se trouver dans une salle de spectacle. Mieux vaut annuler que perdre trop d’argent. Et pourtant les artistes de renommée nationale et internationale se pressent au sein de ces événements car ils aiment sortir du cadre habituel et parfois figé des grandes structures pour se trouver au plus près du public, toujours dans cette recherche de partage et de contact. Les rencontres à l’issue des performances sont du reste faciles dans ces conditions pour des séances de dédicaces notamment.

Lesquels artistes ont aussi besoin de la performance afin de faire perdurer leur art. Pratiquer chez soi durant des mois d’inaction ne permet pas de conserver le niveau d’excellence. L’artiste a besoin de l’adrénaline de la scène, il doit se remettre en question et pratiquer dans les conditions que requièrent son métier. Apprendre des partitions, des rôles, est aussi un exercice à entretenir. La mémoire est fragile et nécessite de l’entrainement.
Alors que tous les moyens de transport sont fréquentés normalement depuis le mois de juin 2020, il est regrettable que le public ait encore peur de renouer avec la joie de la musique en direct, du spectacle vivant quel qu’il soit. Le monde de la culture en a évidemment besoin mais c’est tout autant le cas pour le public. Comment ne pas chercher à renouer avec la musique en direct afin de vibrer à l’unisson grâce à des artistes majeurs au service des plus grands compositeurs ? Les envolées lyriques donnant la chair de poule permettent de sortir de salle en ayant vécu des émotions fortes. Cet enthousiasme qu’elles nous procurent nous fait oublier nos soucis du quotidien et nous rend vivant. Et il n’est plus à souligner que la période actuelle nous rappelle quotidiennement ce besoin vital d’évasion.

 

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