Interview de Clémentine Margaine dans le revue Sant’Evasion numéro 558

Avr 05, 2021
Arnaud Kientz

Numéro 558 de la revue Sant’Evasion.
L’interview est cette fois-ci dédiée à la mezzo-soprano Clémentine Margaine.

Le lien :

https://fr.calameo.com/read/00618169064364bf520ae…

L’artiste nous fait part de son retour sur scène à Madrid et de ses projets.

Copyright Dario Acosta

Consacrée mondialement comme la meilleure Carmen française, Clémentine Margaine retrouve la scène au Teatro Real de Madrid, après un an d’arrêt, pour ses débuts dans le rôle d’Adalgisa de Norma de Bellini.

« Mon métier me définit plus que je ne le pensais »

Bonjour Clémentine Margaine, comment se passe cette reprise ?

Pour le moment, ce sont les premières répétitions, avec masque. Il parait qu’on s’y habitue au bout d’un moment mais je m’étouffe quand je prends mes respirations. Je ne pourrai pas chanter à pleine voix et comme c’est un début pour moi, j’aurais voulu tester des choses durant les répétitions pour m’habituer au rôle. Je vais devoir me faire confiance.  


Qu’est-ce qui vous attire dans le rôle d’Adalgisa ?

C’est une nouvelle incursion dans le bel canto après la Favorite de Donizetti et Fidès du Prophète de Meyerbeer, qui ont étendu mon ambitus vers l’aigu. Avec les rôles verdiens comme Amneris dans Aida et Eboli de Don Carlo que je vais faire, je souhaite garder des rôles balcantistes pour ne pas taper dans la voix. Les meilleures mezzo verdiennes sont passées par le bel canto. Ça s’entend dans la gestion du souffle, du legato. Ce répertoire me fait énormément de bien même si ce n’est pas là où tout le potentiel de ma voix est exploité. Je sais qu’on m’entend davantage en Amneris car je suis plus à l’aise dans les graves, mais j’apprends beaucoup et je force ma voix à garder sa flexibilité car on peut vite la perdre en ne chantant que des rôles lourds.

Eboli possède pourtant une notion belcantiste très ancrée dans son premier air

J’aurais effectivement dû commencer par elle avant Amneris mais on ne choisi pas toujours. Je vais aborder Eboli plusieurs fois : à Chicago en français et en France dans deux ans en italien.
Ça sonne différemment dans les deux langues, on ne peut pas se permettre les mêmes choses, c’est plus intimiste en français. Je ne sais pas si c’est plus facile en français qu’en italien, ce sera intéressant de faire la comparaison. Pour une française, peut-être, mais j’ai été tellement bercée par la version italienne ! On ne peut pas faire les mêmes effets véristes en français. C’est une autre partition, je dois oublier les références que j’ai.

Très demandée pour Carmen à travers le monde, comment trouve t-on la motivation à chaque fois ?

Je suis toujours heureuse de la retrouver. Elle évolue. Surtout que la dernière fois j’étais enceinte donc ça changeait pas mal de choses. Et Carmen est différente en fonction du partenaire, de Don José. Elle réagit à tout ce qui se passe sur scène. J’essaie d’être très flexible, ouverte et attentive à ce qui se passe autour de moi, ça me permet de garder la fraicheur. Si un jour je n’arrive plus à le faire, j’arrêterai. Maintenant que je commence à aborder des rôles plus demandants vocalement, je suis contente d’y revenir. Ça me permet de respirer, de reposer la voix. Je la vois maintenant comme une bouffée d’air, une production me permettant de chanter sans trop de stress. Et puis je n’ai pas d’autres rôles m’autorisant à jouer autant. Le côté actrice est plus important que la chanteuse, l’interaction avec les partenaires, le théâtre…

Comment s’est passé l’arrêt de cette dernière année ?


J’ai réalisé que mon métier me définissait plus que je ne le pensais. Si on me l’enlève, il y a une grosse partie de moi qui n’est plus là. C’est mon langage, un exutoire, un rapport aux gens sur scène, à la musique, aux sons, à l’imaginaire, un partage. Même les répétitions de mise en scène parfois lentes, pas toujours passionnantes manquent parce que c’est la maison. Voyager aussi : prendre un avion pour aller faire son métier est beaucoup plus important que je ne le pensais. Et on a vécu la question d’essentiel / non essentiel comme une grosse injustice. Personne n’a répondu à cette question : en quoi peut-on s’entasser dans un centre commercial où on s’échange les vêtements, les produits de consommation et ne pas aller dans un théâtre où les gens sont disciplinés sur leurs sièges, gardent leurs masques avec toutes les consignes réglementaires ? La pilule est difficile à avaler.


Pour finir, comment gérez vous la santé dans le cadre de votre métier ?

J’ai pu chanter Amneris avec un bébé de trois mois que j’allaitais et qui se réveillait tout le temps la nuit. Pareil pour le Prophète dans la foulée en étant malade. Avec l’adrénaline je n’ai jamais aussi bien chanté de ma vie, j’ai compris que c’est aussi mental mais il ne faut pas aller à ces extrêmes limites non plus, ce n’est pas sain, je ne fais pas ce métier pour en souffrir.
Malade, je me repose, je reste calme, et je ne pas panique pas car le stress complique tout. Avec la technique vocale, on y arrive. 

Je suis malade actuellement, mais visiter un musée me fait du bien plutôt que de rester dans ma chambre à focaliser sur ma gorge qui gratte.


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