Interview Karine Deshayes

Août 21, 2020
Arnaud Kientz

Bonjour,

J’ai eu le très grand plaisir de réaliser une interview de Karine Deshayes pour la revue Sant’Evasion.
Parue dans le numéro double du mois de juin 2020, cette interview a été effectuée le 5 mai alors que toute la population française était encore confinée.

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La mezzo soprano française nous livre ses impressions au sujet de l’impact que le covid a sur son métier ainsi que la façon qu’elle a eu de vivre le confinement.

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Karine Deshayes bonjour, l’actualité est marquée par le covid 19, comment cela s’est passé pour vous ?
J’étais sur les répétitions de Roberto Devereux de Donizetti à Paris depuis un mois. Le 12 mars au soir, l’arrêt définitif a été officialisé. On espère un report au moins en version de concert. Mes nombreux engagements suivants d’opéras ou de concerts sont annulés jusqu’à cet été. J’ai encore espoir dans les petits festivals. Ma prochaine production scénique sera en mars 2021 après des opéras en version de concert en octobre : Semiramide de Rossini à l’Opéra de Toulon et l’Heure Espagnole de Ravel à Monaco.

En plein confinement, vous participez à la création d’une association qui s’appelle Unisson, pouvez-vous nous en parler ?

C’est une association d’artistes lyriques née à la suite d’échanges entre nous. On a eu besoin d’un lieu pour pouvoir se rassembler et avoir un espace de dialogue. Une structure regroupant les chanteurs lyriques n’existait pas, nous étions seuls. J’ai envie de croire en l’avenir. On cherche aussi à créer un fonds de soutien pour ceux qui en ont besoin car la situation est très critique notamment pour les jeunes qui débutent. Le plus important qui découle de tout ça, c’est la solidarité, nous devons nous soutenir.

C’est indispensable aussi de connaitre la manière dont nous allons être indemnisés car il faut savoir que le travail d’un chanteur lyrique n’est pas seulement sa performance sur scène, il s’agit de préparer les rôles, payer les chefs de chant, les professeurs de chant… Nous travaillons tout le temps pour donner le meilleur de nous-mêmes lors de nos prestations scéniques. On souffre du statut d’intermittent car beaucoup pensent que nous ne travaillons que lors des représentations. Quand on a des indemnités qui nous reviennent pour les jours ou mois où l’on ne travaille pas, on a déjà cotisé en amont pour ça, ce n’est pas de l’argent qui s’invente.

Il est nécessaire de souligner également que durant ce confinement, c’est grâce à la culture qu’on a pu échapper à notre solitude, à s’évader intellectuellement ne pouvant le faire physiquement. Ça soigne notre âme, nous permet de partager des émotions. Les gens n’ont jamais autant lu, écouté de la musique, fait des visites virtuelles sur ordinateur…

Quel rapport entretenez-vous avec la santé dans la cadre de votre profession ?

Ne pas vivre dans la peur, j’y crois mais j’y croyais déjà avant cette pandémie. C’est la peur qui fait que l’on tombe malade en général. Vivre au jour le jour, c’est la vie du chanteur. Si je tombe malade, j’annule mais je ne veux pas sombrer dans la peur de tomber malade parce qu’on devient hypocondriaque. Que ce soit le covid ou bien autre chose il est évident que si on est très malade, on ne peut pas chanter et notre activité s’arrête. C’est la même chose pour les sportifs qui préparent les JO pendant 4 ans. S’ils se blessent une semaine avant, c’est fini pour eux. 

Dans votre quotidien de chanteuse, votre secret est donc « ne pas avoir peur » ?

La peur n’a jamais évité le danger, mais évidemment que je fais attention, s’il pleut je vais me couvrir, si je suis dans un avion ou dans un train, j’ai toujours un foulard autour de la gorge à cause de la climatisation. Mais il y a plein d’endroits où je mets la climatisation notamment dans ma voiture, je n’ai pas envie de mourir étouffée quand il fait 40 degrés dehors ! En 23 ans de carrière, je n’ai jamais annulé une soirée d’opéra parce que j’étais malade. Je tombe malade quand je suis en vacances ! (rires). Il est aussi nécessaire d’accepter d’être malade parce que si c’est le cas, ce n’est pas de notre faute. Il m’est arrivé de me casser un doigt ou de me tordre une cheville sur une production, ça ne m’a pas empêché d’assurer les représentations. C’est pour ça qu’il ne faut pas rajouter de peur à tout ça. Les allergies que j’ai ne m’empêchent pas non plus de chanter, j’ai fait plein de désensibilisations. Il y a toujours des solutions. Le mental est indispensable et c’est davantage le cas actuellement parce que sinon on va tous changer de métier.”

 

Merci à Karine Deshayes qui a depuis repris le chemin des scènes et qui vient de triompher pour ses débuts au festival Pesaro dédié au compositeur italien Rossini, en concert avec un programme extrêmement généreux comme elle en a le secret.

Prochaine interview à paraître pour la revue : Ludovic Tézier.

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